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Dans les récits bibliques de l’Arche de Noé, il n’est jamais fait mention des plantes, elles ne faisaient pas partie des espèces à sauver du déluge. Pendant plusieurs millénaires les plantes ne sont pas considérées comme des êtres conscients.
C’est le biologiste Charles Darwin qui modifie notre regard porté sur les plantes en les décrivant comme des êtes dotés d’un degré d’évolution étonnamment avancé. Dans son livre The Power of Mouvement in Plant (1880), il affirme que leur système racinaire présente des similitudes avec le cerveau des animaux. Francis Darwin, son fils, consacre ses recherches à la physiologie végétale et déclare en 1912 : « nous pouvons prouver que les plantes sont intelligentes ». En 1983, Jack Shultz et Ian Baldwin vont plus loin et publient un texte décrivant le langage des peupliers. Ces arbres se transmettent des signaux d’alerte par voie aérienne. A la suite de 30 années de recherches, les plantes s’avèrent pouvoir communiquer entre elles, se transmettre des informations, y réagir, entendre des sons, sentir des odeurs, anticiper un danger et avoir un comportement altruiste ou solidaire.
Les travaux de biologistes tel que Stefano Mancuso (The roots of plant intelligence, Ted Talk 2010 ; L’intelligence des Plantes, Albin Michel, 2018) cherchent aujourd’hui à démontrer l’existence d’une neurobiologie végétale ; comme tous les êtres vivants, les plantes discernent les couleurs, mémorisent des données et prennent des décisions. La pression du vent, par exemple, provoque la torsion des branches et l’expression d’un malaise ; l’arbre va s’habituer à cette sensation et s’y adapter. Même si le vent s’arrête, l’arbre mémorise cette contrainte et s’y adapte.
Si elles sont intelligentes, il est aussi prouvé que les plantes sont douées de sensibilité. Il existe par exemple une solidarité intergénérationnelle entre les pins. Les plus vieux spécimens se connectent aux jeunes arbres pour créer un flux nutritif vital à travers leurs racines.
Les plantes ressentent les pressions, les contraintes et les violences du monde extérieur. Notre comportement irresponsable et méprisant vis à vis des végétaux ne fait qu’augmenter les traumatismes subis. Étant des êtres enracinés, profondément sédentaires, les plantes n’ont pas d’autre choix que de subir et de s’adapter. Leur vie est faite d’agressions successives dont elles gardent la mémoire, et dont il faut dépasser la violence des effets. Elles portent la trace et les stigmates laissés par les traumatismes d’un cadre de vie qu’il n’est pas possible de fuir.
Ce numéro inédit de Spectre invite des artistes contemporains à livrer leur interprétation du trauma végétal.
Direction artistique : Mathias Gervais de Lafond / Direction éditorial : Claudia Mion / Direction graphique : Spassky Fischer