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Si l’architecture est un art − celui de rendre émouvant les espaces habités par les hommes − c’est aussi un métier. Une profession qui nécessite une discipline de travail, efficace et optimiste.
Cette double essence de l’architecture pose la question de sa transmission. Que faut-il transmettre en priorité ? Georges-Henri Pingusson insistait dans son cours de gestion de l’espace (1973-1974) sur «l’art poétique de l’espace [qui] doit être à la base de la formation de l’architecte de demain». Luigi Snozzi est beaucoup plus pragmatique quand il présente son séminaire d’été aux étudiants de Monte Carasso : «l’architecture c’est le vide, à toi de le définir ».
Si la formulation les distingue, ces deux définitions sont reliées par l’«état de conscience» qu’elles présupposent. L’enseignement de l’architecture doit favoriser un éveil, une capacité d’émerveillement, et accompagner la naissance d’un esprit critique. A travers cette formation, l’amateur d’architecture devient un architecte responsable. L’école est le lieu de l’expérimentation sensible et théorique. C’est à partir d’une double nécessité que les priorités pédagogiques se mettent en place : l’enseignement de l’architecture comme transmission de valeurs et construction d’une méthodologie.
La transmission de valeurs n’est pas la simple diffusion d’un savoir inébranlable, d’une liste de noms et de lieux qu’il est bon de connaître. La transmission de valeurs est avant tout un dialogue sur des questionnements fondamentaux, indépendants de l’actualité architecturale. Cela suppose que l’enseignant mette en retrait sa propre « personnalité » de bâtisseur. Apprendre à construire « tel que je le fais à l’agence » conduirait vers un dirigisme rhétorique. Il ne faut provoquer aucune soumission esthétique. Roberto Masiero défend cet effacement de soi: «Ce que je cherche à transmettre en tant qu’enseignant, ce n’est pas ma méthode de pensée mais comment chacun de nous peut construire une pensée qui lui soit propre, et donc une œuvre capable de transcender toute dimension du propre ». Peter Zumthor précise : « Il convient d’abord d’expliquer aux étudiants qu’ils n’ont pas face à eux un maître qui pose des questions auxquelles il connaît déjà la réponse. Faire de l’architecture, se poser soi-même des questions, c’est s’approcher de sa propre réponse avec l’appui du maître, la cerner, la découvrir, encore et toujours. C’est en nous même que réside la force d’un bon projet, dans notre aptitude à percevoir le monde avec sensibilité et compréhension».
L’expérimentation sensible et théorique du projet d’architecture met en œuvre les sens et l’intelligence. Des questionnements fondamentaux nous aident à avancer dans cette recherche.
Le sol et les préexistences —Il s’agit du commencement. Comprendre que rien n’existe isolément ; que l’architecture est toujours rattachée à une préexistence et à un besoin. Le territoire, la ville, le quartier, la parcelle, le sol qui la composent et la famille qui l’habite, sont autant d’éléments avec lesquels il est possible de réagir. Comprendre que les préexistences représentent de la matière disponible pour le projet. Livio Vacchini appliquait une méthode radicale pour ne pas se laisser séduire par sa propre esquisse, présentant le risque de se renfermer trop vite sur sa création : « Je m’allonge là [montrant son divan] et je réfléchis, je pense, je raisonne. Je n’utilise plus le crayon. Je me concentre en m’efforçant de tenir ensemble toutes les raisons du projet et en évitant soigneusement d’imaginer des formes, en cherchant à construire des logiques ». Il cherche à construire une pensée avant de construire de l’espace.
La limite du vide — Si l’espace est par essence infini, l’un des premiers gestes de l’architecte va être de lui apporter des limites, de le contraindre pour le rendre opérant : l’espace se pense, se divise, s’assemble et s’articule. La pensée du vide est la tâche la plus spécifique de notre discipline. En architecture, le vide n’est jamais une donnée résiduelle, il n’est pas ce qu’il reste entre deux pleins. Il est ce qui définit la signification et les qualités d’un espace, il détermine aussi sa capacité d’accueil. Son évaluation est attachée à des couples de notions qualifiantes : le grand, le petit ; l’ouvert, le fermé ; l’étroit, le large ; le proche, le lointain ; le simple, le complexe, etc. Il s’agit d’apprendre à observer et analyser l’espace par le volume du vide et pas seulement par la masse du plein.
La lumière — Elle est la condition de toute expression architecturale. Les textes décrivant son importance ne manquent pas. L’architecture est poétique parce que la lumière existe. Nos préoccupations sont différentes de celles de l’électricien qui uniformise de la lumière artificielle en opérant des réglages de quantité et de direction. Le seul réglage opérant pour l’architecte concerne la qualité de cette lumière, si possible naturelle. La lumière naturelle est celle que produit le soleil, qui nous chauffe, dessine des ombres franches l’été et plus douces en hiver. Elle donne vie à toute la matière dont nous disposons. Le plus beau marbre, la plus belle brique, perdrait tout son sens dans l’obscurité totale. Apprendre à doser la lumière, à la maîtriser, à anticiper ses déplacements pour fabriquer les espaces les plus adaptés à leur destination et rendre l’architecture émouvante.
La matérialité authentique — La fabrication des limites de l’espace est indissociable des outils disponibles pour leur construction. La pierre monolithique, la poutre de bois équarri et le béton précontraint n’ont pas les mêmes capacités de franchissement, et donc de délimitation. L’acte de construire est un acte fort, impliquant une connaissance des matériaux, des techniques et des savoir-faire. « Projeter, c’est travailler avec l’histoire, avec le temps à la recherche d’une certaine authenticité. Cette authenticité du projet passe par la matière». L’enseignement du projet d’architecture doit sensibiliser à cette donnée : tout projet, même s’il reste à l’état d’étude, doit porter un discours sur une matérialité à bâtir. Chaque choix sera signifiant.
L’échelle des choses — L’architecture est au service de l’Homme. Le dimensionnement de toute architecture se rapportera à lui, à nous. Même s’il s’agit de construire un monument pour célébrer une divinité, c’est toujours à partir d’un point de vue humain. Le « hors d’échelle » est alors la volonté d’a rmer la grandeur ou la puissance. La surdimension des espaces peut aussi produire une architecture inadaptée, inopérante. Chaque espace correspond à un usage qu’il faut considérer avec attention. Chaque usage nécessite un dimensionnement proportionnel à notre propre échelle. Chaque dimensionnement installe le projet sur une échelle de confort. L’inconfort (comme perturbation des habitudes) n’est pas interdit : il permet l’élaboration d’une nouvelle perception où l’expérience proposée contourne le désarroi du quotidien. Ces écarts sont possibles seulement si l’on maîtrise les échelles : pour modifier un jeu, il faut d’abord en connaître les règles.
La tradition – Cette notion permet d’aborder des thèmes importants : l’héritage du passé, la permanence, la continuité intellectuelle, la doctrine. La tradition est un thème majeur, porteur de modèles et d’archétypes, qui fait avancer en profondeur plutôt qu’en surface. Il faut connaître les maîtres et les formes géométriques pures pour comprendre que la création contemporaine n’est jamais une invention isolée. Louis I. Kahn, grand architecte autant qu’enseignant, fait de la tradition un pivot de sa réflexion. La vision de Kahn refuse la hiérarchie entre le présent et les autres périodes de l’histoire. Il croit en une architecture pérenne capable de se confronter à un présent pluriel. La tradition est une connaissance utile à la création. Elle responsabilise le créateur. Elle le confronte à une histoire dont il n’est plus l’épicentre. Le présent que nous vivons n’est pas un aboutissement, mais seulement l’étape d’un parcours historique. Cette sensibilisation doit faire partie de l’enseignement de l’architecture. La tradition peut aussi être rapprochée de l’anticipation : il faut comprendre par là qu’elle est le complément nécessaire de l’intuition. Si tout part de l’intuition, la connaissance de la tradition conduit vers la justesse et la maîtrise. La tradition est un catalyseur qui justifie notre intuition.
Programme de recherche interne à l’agence, autour de typologies de maisons, « Utopie » se pose la question de l’habiter : peut-on réduire un programme à des dénominations de pièces et de surfaces ? Quel est le rapport existant entre fonction et organisation ? Comment tisser une unité constructive à partir de fragments de vies, de moments ? Les tentatives de réponses se déclinent en familles de projets explorant diverses typologies d’usage et de structure. La question de la typologie est une question clé de cette recherche et plus généralement dans le travail du bureau, qui peut se poser également ainsi : comment puiser la richesse à l’intérieur ? C’est grâce à la réflexion sur la typologie que le projet s’invente lui même à partir de lui-même, intérieur étant à comprendre non pas en opposition à extérieur mais dans le sens de l’essence du projet. Laboratoire de réflexion, Utopie permet de pousser des logiques d’aménagement à leurs limites, et ainsi de questionner la validité de propositions d’ordre général (le plain-pied ; la relation structure-isolation ; la division de l’habiter en deux, en trois ; la toiture plate ou en pente ; etc.)
Cette rénovation de logement est fondamentalement liée à l’évolution des besoins de ses habitants. Le projet crée une chambre d’enfant supplémentaire sans modifier la surface de l’appartement. Cette addition nécessite de repenser l’ensemble des pièces. La cuisine et l’entrée sont imbriquées, la salle de bain disparaît derrière un placard, l’espace de la chambre des parents s’enroule autour du dressing, les murs sont creusés pour recevoir bureaux, étagères, placards et tablettes. De nouvelles qualités de lumière et de matériaux viennent rendre indissociables les espaces les uns des autres. Les déplacements dans l’espace gagnent en unité, en continuité et en fluidité.
Cette rénovation a permis à O.F.C. de travailler avec l’agence d’architecture et de design italienne Segno Italiano qui sélectionne les meilleurs artisans et les meilleurs matériaux, issus de traditions séculaires. La fourniture de chaque carreau, de chaque meuble, de chaque lampe a nécessité une fabrication sur mesure. Le projet cherche à correspondre avec la plus grande justesse à la sensibilité de son occupant.
Cette collaboration scénographique avec les équipes du designer Dries Van Noten doit trouver une manière inédite d’exposer des vêtements. La Villa Noailles, ancienne résidence de la famille Noailles, accueille cette présentation. Parmi les pistes étudiées : valoriser la dimension domestique du lieu ; composer l’exposition à partir de l’absence des propriétaires ; faire évoluer le visiteur dans un appartement vide, où les vêtements présentés sont autant d’indices pour comprendre la vie de ces occupants fictionnels. Dans ce scénario, la force identitaire du vêtement veut être mise en avant.